Il est marrant ce verbe. Si on se penche sur le Larousse, les définitions montrent à la fois qu’il est une action discrète ou tonitruante, qu’il se concentre autant sur l’extérieur (on s’échappe d’une prison) que sur l’intérieur (on s’échappe en soi). Ses synonymes sont autant « jaillir » et « s’évanouir ». S’échapper, c’est presque un oxymore.
Jusqu’à écrire ces lignes, je n’avais jamais réellement pensé à la puissance symbolique de ce verbe. Irai-je jusqu’à dire que c’est symptomatique de mon système de création : trouver du sens après avoir fait jaillir la forme brute. Á la base, je ne cherchais qu’une agglomération des mots « métro », « château » et « parc d’attraction ». Mé-Châ-Pa. Méchapa. M’échappa ! Ah tiens, ça tombe bien. (4/4)
Quatrième attrait : Concrétiser l’imaginaire
Si vous avez lu mon attirance pour les châteaux, vous savez aussi que j’éprouve quelque chose de magnétique pour l’imaginaire. Que voulez-vous : ça me faisait peur, enfant, mais j’ai baigné dedans. Quand je vous ai parlé de mon besoin de savoir où j’allais, grâce aux plans, je vous ai aussi dit que je créais des mondes pour mes histoires. Et je vous ai aussi un peu parlé de mon besoin d’être « englobé », et que les parcs à thèmes arrivaient à me procurer pareilles sensations.
Il a quelque chose qui m’englobe encore plus que la création graphique : c’est l’écriture. Et encore une fois, arrivé à l’âge charnière de l’enfance et de l’adolescence, Harry Potter m’a clairement guidé dans cette volonté de, moi aussi, développer quelque chose avec des mots. Et combien de mots : j’ai fait le calcul rapide sur un GSheet … Et on se retrouve avec plus de 1.054.600 mots – ce qui représente entre 2400 et 2600 pages A4.
En moyenne, 138 pages A4 noircies par an

Depuis que j’ai 16 ans – mon premier ex, qui se plaignait que j’écrivais, est un bon marqueur temporel -, je passe mon temps à écrire. De manière assez assidue, je noircis des feuilles et des feuilles sur OpenOffice, Word et maintenant Google Doc (ouais, il y en a marre des fichiers supprimés ou perdus). J’écris, encore et toujours, sans réellement m’arrêter, je développe des personnages, des dialogues, des endroits, des trames narratives. Pour autant, je n’écris pas la même chose. Ni sur les mêmes sujets.
Je l’ai dit, mon premier attrait a été de développer un monde « à la » Harry Potter : Trathe Balth. Un héros qui entre dans une école de magie pour y combattre des forces obscures – tiens donc, la ressemblance est frappante. Mais attention : moi, il a encore une mère. Et il a une soeur. Et il n’y a pas quatre « maisons », non, non. Il y a quatre … classes. Et le méchant est bien plus qu’un homme-serpent. C’est un homme-squelette, très librement inspiré de l’être maléfique dans Taram et le Chaudron Magique. J’ai écrit deux années – sur cinq ! – et le troisième a été commencé de manière très laborieuse.
Puis je suis passé à autre chose.
Ne jamais finir ce que j’ai commencé
J’ai une méthode d’écriture qui consiste à :
- Penser à un sujet
- Coucher ce sujet sur papier
- Ecrire jusqu’à ne plus avoir d’idée
- Ne pas me relire
- Me relire 6 mois plus tard
- Peut-être reprendre l’écriture
- Abandonner l’histoire à tout jamais
- La relire 2 ans plus tard en me disant « ah ouais mais c’était bien »
- Repenser à ce sujet
- Réécrire autre chose sur le même sujet mais avec un angle différent
Si on exclut « Juin » – 60388 mots -, je n’ai terminé aucune histoire que j’ai commencé. De manière très égoïste, j’ai l’impression que les histoires que j’écris sont comme des pulsions amoureuses. Je les adore au début, je m’amuse avec elle, puis le quotidien arrive et je laisse les choses dépérir. En y réfléchissant aussi, j’ai toujours du mal à mettre une « fin » à quelque chose. C’est souvent un crève coeur que d’imaginer qu’une aventure s’arrête.
C’est peut-être pour ça que je recycle mes personnages. Les héros de Trathe Balth (2,5/5 livres écrits) sont récupérés, légèrement modifiés et intégrés dans « Ralf ». Ralf était un personnage plus que secondaire dans Trathe Balth, pour prendre le rôle principal de sa propre série. Dans la série « Léonard », on redécouvre ce monde par l’entremise d’un homme qui a perdu la mémoire. Mais les protagonistes imaginés dès mon adolescence ressurgissent, encore et toujours, sous d’autres formes.
Toujours parler des mêmes thématiques
Je développe donc plus des « univers » que des histoires, avec des lieux communs, des interconnexions, des histoires similaires. Tout ça, finalement, pour toujours parler des mêmes sujets :
- Qu’est-ce que l’amour ?
- Qu’est-ce que la mort ?
Alors, oui, il y a des variations, et des manières plus frontales que d’autres. Dans la série « Léonard », la version la plus actuelle du monde de « Trathe Balth », la Mort est un personnage physiquement présent – elle se révèle au premier tome, pour avoir une force de décision dans le second. C’est d’ailleurs tout l’enjeu de cette histoire : devancer son funeste destin et intervenir dans ses angles « morts ».
Dans « Juin », qui est mon premier récit en « je » et au présent, la mort est omniprésente, mais comme dans la vie de tous les jours. Et elle est forcément liée à l’amour, au développement des sentiments, l’une ne va pas sans l’autre. Dans « Le Projet », qui est un format série télévisée qui suit Jon, apprenti journaliste dans une ville imaginaire, on parle plus d’amour – mais le final de la saison 2 est absolument lié à la mort.
Ça parle beaucoup
Avant, j’aimais beaucoup écrire à la troisième personne du singulier, et au passé simple. Comme Harry Potter. J’aimais avoir cette présence omnisciente, sauter d’un personnage à l’autre, raconter au lecteur ce que le personnage ne savait pas. J’aimais aussi beaucoup décrire les environnements, déjà parce que j’avais pris tellement de temps à concrétiser ce monde dans ma tête qu’il fallait que j’abreuve mes lecteurs de TOUS les détails possibles.
Depuis que je me suis un peu éloigné de mes inspirations d’adolescence – outre le sorcier, on peut noter Grey’s Anatomy ou Ugly Betty ! -, et que je prends plus de plaisir à rédiger des histoires dans un monde réel, j’ai changé ma manière d’écrire. Je parle à la place du personnage, je suis dans sa tête, je suis au présent. Et j’ai aussi quitté l’exploration détaillée du monde, puisqu’on le connait tous : je préfère m’amuser avec les dialogues.
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Mais alors, pourquoi n’as-tu rien publié ?
Invariablement, quand je dis que j’écris, on me pose la question : « Tu vas te faire éditer ? ». Déjà, si c’était si facile, et que Michel Laffont ou Gallimard me donnaient un blanc sein pour y publier tout ce que je veux, je signerai avec mon propre sang. La réalité est plus terre à terre : tout le monde écrit, tout le monde aimerait être publié, et pourquoi pas vivre de ce travail. Moi, ce n’est pas mon objectif premier.
Si je suis honnête, mon objectif est d’enfin terminer une histoire et d’en être fier, de A à Z, en tout cas assez que pour me dire « Celle-ci, tu peux l’envoyer ». Il n’y a qu’avec « Juin » que j’ai été assez confiant que pour passer à l’étape supérieure et le proposer à des concours d’écriture. Le manque cruel de retours vient soit me confirmer que je suis nul, soit que mon histoire n’était pas assez aboutie.
Si je voulais à ce point voir mon livre en « physique » et le vendre, ça fait longtemps que j’aurai pu céder à l’auto-édition. Peut-être qu’un jour je le ferai. Peut-être aussi qu’un jour, l’alignement des étoiles fera que mon récit trouvera un lecteur assez intéressé que pour le publier. Mais en attendant, je vous parlerai de mes histoires sur ce blog – et vous verrez que ce sera souvent intimement lié à des châteaux ou des métros …











