• Il est marrant ce verbe. Si on se penche sur le Larousse, les définitions montrent à la fois qu’il est une action discrète ou tonitruante, qu’il se concentre autant sur l’extérieur (on s’échappe d’une prison) que sur l’intérieur (on s’échappe en soi). Ses synonymes sont autant « jaillir » et « s’évanouir ». S’échapper, c’est presque un oxymore.

    Jusqu’à écrire ces lignes, je n’avais jamais réellement pensé à la puissance symbolique de ce verbe. Irai-je jusqu’à dire que c’est symptomatique de mon système de création : trouver du sens après avoir fait jaillir la forme brute. Á la base, je ne cherchais qu’une agglomération des mots « métro », « château » et « parc d’attraction ». Mé-Châ-Pa. Méchapa. M’échappa ! Ah tiens, ça tombe bien. (4/4)


    Quatrième attrait : Concrétiser l’imaginaire

    Si vous avez lu mon attirance pour les châteaux, vous savez aussi que j’éprouve quelque chose de magnétique pour l’imaginaire. Que voulez-vous : ça me faisait peur, enfant, mais j’ai baigné dedans. Quand je vous ai parlé de mon besoin de savoir où j’allais, grâce aux plans, je vous ai aussi dit que je créais des mondes pour mes histoires. Et je vous ai aussi un peu parlé de mon besoin d’être « englobé », et que les parcs à thèmes arrivaient à me procurer pareilles sensations.

    Il a quelque chose qui m’englobe encore plus que la création graphique : c’est l’écriture. Et encore une fois, arrivé à l’âge charnière de l’enfance et de l’adolescence, Harry Potter m’a clairement guidé dans cette volonté de, moi aussi, développer quelque chose avec des mots. Et combien de mots : j’ai fait le calcul rapide sur un GSheet … Et on se retrouve avec plus de 1.054.600 mots – ce qui représente entre 2400 et 2600 pages A4.

    En moyenne, 138 pages A4 noircies par an

    Depuis que j’ai 16 ans – mon premier ex, qui se plaignait que j’écrivais, est un bon marqueur temporel -, je passe mon temps à écrire. De manière assez assidue, je noircis des feuilles et des feuilles sur OpenOffice, Word et maintenant Google Doc (ouais, il y en a marre des fichiers supprimés ou perdus). J’écris, encore et toujours, sans réellement m’arrêter, je développe des personnages, des dialogues, des endroits, des trames narratives. Pour autant, je n’écris pas la même chose. Ni sur les mêmes sujets.

    Je l’ai dit, mon premier attrait a été de développer un monde « à la » Harry Potter : Trathe Balth. Un héros qui entre dans une école de magie pour y combattre des forces obscures – tiens donc, la ressemblance est frappante. Mais attention : moi, il a encore une mère. Et il a une soeur. Et il n’y a pas quatre « maisons », non, non. Il y a quatre … classes. Et le méchant est bien plus qu’un homme-serpent. C’est un homme-squelette, très librement inspiré de l’être maléfique dans Taram et le Chaudron Magique. J’ai écrit deux années – sur cinq ! – et le troisième a été commencé de manière très laborieuse.

    Puis je suis passé à autre chose.

    Ne jamais finir ce que j’ai commencé

    J’ai une méthode d’écriture qui consiste à :

    1. Penser à un sujet
    2. Coucher ce sujet sur papier
    3. Ecrire jusqu’à ne plus avoir d’idée
    4. Ne pas me relire
    5. Me relire 6 mois plus tard
    6. Peut-être reprendre l’écriture
    7. Abandonner l’histoire à tout jamais
    8. La relire 2 ans plus tard en me disant « ah ouais mais c’était bien »
    9. Repenser à ce sujet
    10. Réécrire autre chose sur le même sujet mais avec un angle différent

    Si on exclut « Juin » – 60388 mots -, je n’ai terminé aucune histoire que j’ai commencé. De manière très égoïste, j’ai l’impression que les histoires que j’écris sont comme des pulsions amoureuses. Je les adore au début, je m’amuse avec elle, puis le quotidien arrive et je laisse les choses dépérir. En y réfléchissant aussi, j’ai toujours du mal à mettre une « fin » à quelque chose. C’est souvent un crève coeur que d’imaginer qu’une aventure s’arrête.

    C’est peut-être pour ça que je recycle mes personnages. Les héros de Trathe Balth (2,5/5 livres écrits) sont récupérés, légèrement modifiés et intégrés dans « Ralf ». Ralf était un personnage plus que secondaire dans Trathe Balth, pour prendre le rôle principal de sa propre série. Dans la série « Léonard », on redécouvre ce monde par l’entremise d’un homme qui a perdu la mémoire. Mais les protagonistes imaginés dès mon adolescence ressurgissent, encore et toujours, sous d’autres formes.

    Toujours parler des mêmes thématiques

    Je développe donc plus des « univers » que des histoires, avec des lieux communs, des interconnexions, des histoires similaires. Tout ça, finalement, pour toujours parler des mêmes sujets :

    • Qu’est-ce que l’amour ?
    • Qu’est-ce que la mort ?

    Alors, oui, il y a des variations, et des manières plus frontales que d’autres. Dans la série « Léonard », la version la plus actuelle du monde de « Trathe Balth », la Mort est un personnage physiquement présent – elle se révèle au premier tome, pour avoir une force de décision dans le second. C’est d’ailleurs tout l’enjeu de cette histoire : devancer son funeste destin et intervenir dans ses angles « morts ».

    Dans « Juin », qui est mon premier récit en « je » et au présent, la mort est omniprésente, mais comme dans la vie de tous les jours. Et elle est forcément liée à l’amour, au développement des sentiments, l’une ne va pas sans l’autre. Dans « Le Projet », qui est un format série télévisée qui suit Jon, apprenti journaliste dans une ville imaginaire, on parle plus d’amour – mais le final de la saison 2 est absolument lié à la mort.

    Ça parle beaucoup

    Avant, j’aimais beaucoup écrire à la troisième personne du singulier, et au passé simple. Comme Harry Potter. J’aimais avoir cette présence omnisciente, sauter d’un personnage à l’autre, raconter au lecteur ce que le personnage ne savait pas. J’aimais aussi beaucoup décrire les environnements, déjà parce que j’avais pris tellement de temps à concrétiser ce monde dans ma tête qu’il fallait que j’abreuve mes lecteurs de TOUS les détails possibles.

    Depuis que je me suis un peu éloigné de mes inspirations d’adolescence – outre le sorcier, on peut noter Grey’s Anatomy ou Ugly Betty ! -, et que je prends plus de plaisir à rédiger des histoires dans un monde réel, j’ai changé ma manière d’écrire. Je parle à la place du personnage, je suis dans sa tête, je suis au présent. Et j’ai aussi quitté l’exploration détaillée du monde, puisqu’on le connait tous : je préfère m’amuser avec les dialogues.

    Mais alors, pourquoi n’as-tu rien publié ?

    Invariablement, quand je dis que j’écris, on me pose la question : « Tu vas te faire éditer ? ». Déjà, si c’était si facile, et que Michel Laffont ou Gallimard me donnaient un blanc sein pour y publier tout ce que je veux, je signerai avec mon propre sang. La réalité est plus terre à terre : tout le monde écrit, tout le monde aimerait être publié, et pourquoi pas vivre de ce travail. Moi, ce n’est pas mon objectif premier.

    Si je suis honnête, mon objectif est d’enfin terminer une histoire et d’en être fier, de A à Z, en tout cas assez que pour me dire « Celle-ci, tu peux l’envoyer ». Il n’y a qu’avec « Juin » que j’ai été assez confiant que pour passer à l’étape supérieure et le proposer à des concours d’écriture. Le manque cruel de retours vient soit me confirmer que je suis nul, soit que mon histoire n’était pas assez aboutie.

    Si je voulais à ce point voir mon livre en « physique » et le vendre, ça fait longtemps que j’aurai pu céder à l’auto-édition. Peut-être qu’un jour je le ferai. Peut-être aussi qu’un jour, l’alignement des étoiles fera que mon récit trouvera un lecteur assez intéressé que pour le publier. Mais en attendant, je vous parlerai de mes histoires sur ce blog – et vous verrez que ce sera souvent intimement lié à des châteaux ou des métros …

  • Il est marrant ce verbe. Si on se penche sur le Larousse, les définitions montrent à la fois qu’il est une action discrète ou tonitruante, qu’il se concentre autant sur l’extérieur (on s’échappe d’une prison) que sur l’intérieur (on s’échappe en soi). Ses synonymes sont autant « jaillir » et « s’évanouir ». S’échapper, c’est presque un oxymore.

    Jusqu’à écrire ces lignes, je n’avais jamais réellement pensé à la puissance symbolique de ce verbe. Irai-je jusqu’à dire que c’est symptomatique de mon système de création : trouver du sens après avoir fait jaillir la forme brute. Á la base, je ne cherchais qu’une agglomération des mots « métro », « château » et « parc d’attraction ». Mé-Châ-Pa. Méchapa. M’échappa ! Ah tiens, ça tombe bien. (3/4)


    Troisième attrait : la Représentation de la Réalité

    Il est un peu plus compliqué pour moi de rattacher les wagons (pun intendend) sur ce qui fait que j’apprécie autant les plans de métro et, a fortiori, les plans de ville. Je pourrais parler de mon intérêt pour le TGV – et ma manière de systématiquement les manquer du regard quand ma mère disait « Benoît, un train ! » – ou pour mon train en LEGO qui se transformait invariablement en montagne russe. Mais ça me semble assez faible, en tout cas ce n’est pas aussi ancré organiquement en moi que les châteaux ou les parcs d’attractions. On ne retrouvera pas de plans de ville ou de métro dans mes dessins d’enfance ou d’adolescence.

    Savoir où je vais

    Peut-être que mon attrait pour les plans, de manière générale, vient de ce besoin de comprendre, de planifier et donc, de savoir où je vais. Je me souviens de grands stress, la première fois où j’ai pris le bus ou le train tout seul, d’être certain que je descendrai au bon arrêt, d’être certain d’être sur la bonne ligne. Encore aujourd’hui, quand je prends des bus ou des trains que je ne connais pas, je suis plus en alerte, je compte les arrêts, je me repère systématiquement sur le plan schématique de la ligne pour me rassurer.

    Paradoxalement, quand je visite une nouvelle ville – comme New York, récemment -, j’aime aussi me détacher totalement des plans et des cartes et marcher en me perdant un peu, juste pour découvrir les bâtiments et les espaces, les différences d’un quartier à un autre, les architectures, les ambiances, les populations. J’aime aussi à me dire « Ici, c’est la première fois que tu marches ». Essayez de penser à ça quand vous découvrez un endroit : c’est vertigineux.

    Une photo de New York

    La simplicité graphique

    Il y a quelque chose dans la représentation épurée du réel qui me plait énormément. Outre les plans de métro, de ville, je pense aussi à ces tracés d’architectes ou de designer qui, en deux temps trois mouvement, par une courbe, une ligne, une ombre, peuvent vous figurer le vivant. Le concret. Quand vous vous retrouvez devant un plan de métro, cette simplicité, cette ergonomie, vous saute aux yeux. Vous n’avez pas là un vrai plan de ville. Vous avez là ses réseaux de transport. En un clin d’oeil, même si vous ne connaissez pas la ville, vous savez où vous devez aller.

    Je pense que le premier vrai plan de métro auquel j’ai été confronté a été celui de Londres. C’est la première très grande ville que j’ai visité, avant Paris, avant Bruxelles. Nous y avions été en ferry, puis en bus, avec mes grands parents, pour mon anniversaire (j’avais 12 ans, je crois). Une journée où je me souviens d’un grand voyage en métro jusqu’à Greenwich, d’un passage dans une église près de Trafalgar Square et d’un chocolat chaud dans une échoppe proche de Victoria Station. J’avais aussi été impressionné par ces ouvrages qui plongeaient dans les sous-sols, tout ce monde souterrain, ces briquettes, cette atmosphère hors du temps de ce métro centenaire.

    Savoir où mes personnages vont

    Je ne pense pas l’avoir déjà dit : j’écris des histoires. Et comme à chaque fois que quelque chose m’interpelle, j’essaie de le répliquer, j’ai été fortement impressionné par Le Seigneur des Anneaux et surtout par sa réalité spatiale. Tout se passait sur la Terre du Milieu, qui avait un Nord, un Sud, des montagnes, des fleuves et des mers. J’ai donc essayé de faire pareil. Créer un monde avec des chemins, des lacs, des monts, des châteaux, des villes, des dangers, des frontières, des particularités.

    Premier plan de Trescelan

    Sur cet exemple de plan, vous pouvez voir des routes, des pays, des grandes forêts et aussi des tentatives de singularités linguistiques. Les lettres K, R, le manque de voyelle, ou justement des voyelles avec des trémas. Tout ceci avait un sens – dommage que je ne l’ai pas réellement documenté … Et c’est d’ailleurs là que le bas blesse : mes histoires fantasy manquent cruellement d’un réel fond documenté. Tout commence toujours par un plan, quelques chapitres, puis rien de bien concret, jusqu’à être oublié au fond d’un dossier Word.

    Savoir comment mes personnages se déplacent

    Quand j’ai eu 18 ans, et que je me suis retrouvé en « Informations et Communications » à l’Université, j’ai commencé à écrire des formats différents des formats « romanesques » que j’écrivais habituellement. Je testais l’idée d’une série télé : la forme même d’un scénario me donnait envie, et donc j’ai développé une histoire autour d’un apprenti journaliste qui évoluait dans une ville imaginaire mais qui était un mix entre Paris, New York et Bruxelles. Je me suis vite retrouvé coincé par cette nouvelle réalité : il avait donc fallu que je fasse un plan.

    Vous voyez ce « BOTV » ? Et bien c’est là où travaillait mon apprenti journaliste. Et vous voyez ces lignes et cet enchevêtrement d’informations ? Et bien c’est là que l’on comprend que j’ai mis du temps à appréhender Illustrator.

    Réel … ou pas ?

    Quand on voit ce dessin en construction, on pourrait se demander « Mais quelle ville européenne a-t-il bien pu représenter ? ». Spoiler alert : elle n’existe nulle part, si ce n’est dans ma tête. A-t-elle un nom ? Je ne sais plus. Mais elle a une histoire – voyez ces remparts à la Vauban -, des parties plus anciennes -tiens, la vieille ville autour de la cathédrale -, et des parties qui montrent un urbanisme plus récent – voyez ces grandes avenues et cette gare qui s’impose jusqu’au coeur de la ville. J’aime penser ce genre de détail – et peut-être que les urbanistes qui verront ces dessins crieront à l’infamie.

    Dans une autre déconstruction du réel, je me suis surpris à (ré)imaginer des réseaux de transports en commun pour des villes. Comme je suis entre Toulouse et Albi, je me suis évidemment d’abord penché sur ces deux villes. Typiquement, ici, j’ai imaginé un réseau de tram pour la préfecture du Tarn. J’ai fait avec mes connaissances de la ville, et surtout en utilisant les axes majeurs et les points d’entrée. Avis aux Albigeois : voici votre réseau de tram en 2050 !

    Plan du Tram d'Albi en 2050
  • Il est marrant ce verbe. Si on se penche sur le Larousse, les définitions montrent à la fois qu’il est une action discrète ou tonitruante, qu’il se concentre autant sur l’extérieur (on s’échappe d’une prison) que sur l’intérieur (on s’échappe en soi). Ses synonymes sont autant « jaillir » et « s’évanouir ». S’échapper, c’est presque un oxymore.

    Jusqu’à écrire ces lignes, je n’avais jamais réellement pensé à la puissance symbolique de ce verbe. Irai-je jusqu’à dire que c’est symptomatique de mon système de création : trouver du sens après avoir fait jaillir la forme brute. Á la base, je ne cherchais qu’une agglomération des mots « métro », « château » et « parc d’attraction ». Mé-Châ-Pa. Méchapa. M’échappa ! Ah tiens, ça tombe bien. (2/4)


    Deuxième attrait : les Sensations

    J’ai un souvenir extrêmement lointain du premier parc d’attraction que j’ai visité : Meli Park, racheté plus tard par Studio 100 pour le transformer en Plopsaland. De Meli Park, je ne garde que quelques bribes : un voyage en bateau à l’intérieur d’un bâtiment, un spectacle avec Bob et Bobette et des scènettes figées de contes de fées. Je me souviens aussi que l’expérience ne m’avait pas spécialement plu, parce qu’il faisait chaud, que j’étais trop petit, et que la culture du parc d’attraction n’était pas quelque chose que je connaissais.

    J’en parle dans la première partie de cette genèse, sur les châteaux, je viens d’un petit coin de Belgique, d’un village qui se trouve à mi chemin entre Bruxelles et Lille, mais dont on ne bouge pas réellement, puisque toute la famille proche habite là – excepté mes grands-parents maternels qui vivent près de Tournai, à la frontière française, mais là aussi en rase campagne. Je viens surtout d’une famille qui n’est pas aussi riche que certains camarades, et qui travaille plus qu’elle ne part en vacances. Et quand elle part en vacances, c’est dans la famille – jamais d’hotel, jamais de location. Donc autant dire que les parcs d’attraction – voire les zoos ! – n’étaient pas ancrés dans notre culture. Nous passions nos vacances chez nos grands parents, à creuser l’ennui – et donc à lire des bédés et recopier des dessins.

    Chantons ensemble

    Là où nos parents n’étaient pas avares, c’était en VHS, et surtout en VHS des dessins animés Disney. Nous avons usé et abusé de ces pauvres cassettes, jusqu’à en altérer l’image et le son. Nous avons rossé les classiques, même Fantasia (bien que ça nous ennuyait profondément). Outre les classiques, nous avions aussi des petits films éducatifs, style « Donald au Pays des Mathématiques » (il jouait au billard), et des Sing Along – « Chantons Ensemble » en français -, karaoké avec la tête de Mickey sur les paroles des fameuses chansons des dessins animés.

    Et il se trouve que dans cette série se trouve un « Chantons Ensemble à Disneyland Paris ». Voilà comment je découvre le parc francilien pour la première fois. Tout y passe : Fantasyland, les CowBoys, les Méchants devant Phantom Manor, Main Street … Il se dégage de cette vidéo quelque chose d’éminemment fantastique, mais aussi d’englobant. L’envie d’être là bas, de découvrir ces endroits, de ressentir ces sensations d’aventure, de merveilleux, peut-être un peu de chaire de poule. C’était un pas en plus vers l’extraordinaire que cette publicité pour le parc, avec des enfants dans la nature, qui apercevaient une montgolfière et qui arrivaient en volant à Disneyland (la version de Floride).

    (Et je n’oublie pas non plus un épisode de Bob et Bobette « Manneken Pies l’irrascible » qui se passe en partie à DisneyWorld et dont l’aspect architectural me fascinait)

    Et la Vie, Va

    Comme dit plus haut, l’idée même d’aller dans un parc d’attraction en famille, et de surcroit Disneyland (à Paris !), n’était même pas évoqué. Entre temps, j’avais visité avec l’école BaudewijnPark, à Bruges – mon premier roller coaster ! – et Bellewaerde – mon premier looping ! -. Le petit garçon un peu timide et maniéré que j’étais s’était mis en tête que ça avait l’air bien de faire ces grands trucs qui vont vite et qui vont haut (malgré ma peur du vide). J’étais le premier à rentrer dans les attractions, avec une envie pressante de recommencer et de retrouver ces sensations – surtout dans le bateau pirate, pas de looping, mais des chatouillis dans le bas ventre.

    Mais il s’agissait là de parcs d’attractions – pas forcément beaucoup de thématique (outre le côté Western / Mexique de Bellewaerde) et des attractions plantées entre des arbres. Une fête foraine installée, en quelque sorte. Clairement pas un endroit magique avec un Château, des Pirates, des Fantômes et des Princesses. Un rêve qui éclosait de plus en plus : peut-être que c’était possible d’aller à Disney. Ah ? C’est trop cher. Ah ? Vraiment très cher ? Pourtant Isaline y a été – Oui mais Isaline elle n’a qu’une soeur et ses parents ont la chance de pouvoir prendre de belles vacances.

    Et puis un bon matin de vers Halloween (je crois, nous étions à la maison en semaine, donc en vacances), ma mère participe à un concours sur la radio locale – Vivacité – pour gagner un voyage à Disneyland pour 4 personnes (comment allons-nous faire nous sommes 6 ?). Elle gagne le concours au milieu de la semaine, mais elle doit attendre vendredi, et les scores de tous les gagnants journaliers, pour savoir si oui ou non elle a gagné.

    Et bim. Elle gagne. La légende familiale voudra qu’elle a gagné parce qu’Alizée, la plus petite soeur, pleurait parce qu’on l’avait peut-être un peu bousculée dans l’excitation due à ce suspens insoutenable. Je réalise, penaud. Nous allons à Disneyland. C’est vrai. Ca va arriver. Mes parents se saignent pour payer deux places supplémentaires et voilà qu’une date est fixée : en mars prochain, on part vendredi, on revient dimanche, et on aura été 3 jours et 2 nuits à Disney.

    S’échapper à travers les plans

    L’idée que tout ça va réellement se concrétiser me fait monter la sève. Je deviens insupportable – à tel point qu’Isaline, dans la cour de récré, me lance un « T’es chiant à tout le temps parler de Disneyland ». Mais elle ne comprend pas que c’est révolutionnaire, pour moi. Et que grâce à internet, j’ai pu me renseigner sur beaucoup d’attraits du parc. Que dis-je. DES parcs. Le Studio venait d’ouvrir.

    Très vite, je suis tombé sur différents plans des différents espaces du Resort. Et encore plus vite, je m’y suis repéré, j’ai analysé chaque détail, chaque placement d’hôtel, et aussi le Disney Village, et tiens un énorme parking, et cet hôtel juste devant le « grand » parc. Avant même d’y avoir mis les pieds, j’étais intarissable sur ce qu’on pouvait y voir … J’avais même trouvé un site « corporate » qui montrait d’autres plans, avec plus de détails, et ça m’avait donné l’impression d’avoir trouvé le Graal.

    Plan du Resort Disneyland

    Trop lentement, le vendredi tant attendu est arrivé, et nous sommes partis pour arriver dans l’après-midi à Marne-la-Vallée (non sans que mon père ne SE PERDE, en quittant l’autoroute une sortie trop tôt). Ma mère, deux soeurs et moi, nous prenons une chambre à l’hôtel New York – je trouve l’endroit un peu froid, ça ne me donne pas spécialement l’impression qu’on peut se permettre ce luxe là – et mon père et ma toute petite soeur sont au Sequoia Lodge – qui correspond clairement plus à mes goûts.

    En vrac, je me souviens que nous mangeons un soir au Disney Village, dans un truc où on paie super cher pour des grosses frites. Je me souviens que mon père trouve un billet de 50€ dans Pirates des Caraïbes, et que ça permet de payer le repas de toute la famille de midi (c’est dire si les prix ont augmenté depuis …). Je me souviens d’Indiana Jones, du Space Mountain, du train autour du parc, du Château de la Belle au Bois Dormant, de Roller Coaster avec Aerosmith, du Canyon à eau et à flamme (et aussi de la scène du dragon dans une ville abandonnée), du dessin de Mushu sous le gros chapeau de Mickey, du show des Cascades et du Café des Cascadeurs, où nous avions mangé notre dernier repas au Resort, avant de faire les bagages et de quitter trop vite ce monde magique.

    Je me souviens surtout d’une sensation très particulière, très englobante, très « hors du temps ». C’est aussi certaines odeurs, que je ne retrouve qu’à certains moments, et qui agissent comme une madeleine de Proust, me prenant au dépourvu, et qui me font dire « Tiens, ça sent le parc d’attraction ».

    Merci Kevin pour RCT

    Dans ma petite folie d’obsédé du parc d’attraction, je me souviens que je gribouillais avec Kevin des plans de grand huit et de flat rides lors des temps libres à l’école – j’étais en 5e ou 6e primaire, donc je n’avais pas plus de 12 ans. Un jour, il arrive avec un CD-Rom gravé et me dit « Tiens, c’est un jeu piraté c’est pour faire des parcs d’attraction ». Et moi voilà en train de demander à mon père si on peut mettre le CD, et hop, Roller Coaster Tycoon 1 – la version où je ne peux rien enregistrer parce que piratée – apparait.

    Roller Coaster Tycoon 1

    Qu’est-ce que je l’ai rossé ce jeu. L’urgence, en plus, de ne pas pouvoir enregistrer mes parties rendait l’expérience totalement folle. Quand Roller Coaster Tycoon 2 est sorti, j’ai acheté une version officielle cette fois-ci (avec l’argent dument gagné à un anniversaire) et j’y ai joué comme jamais. J’essayais de répliquer les parcs que je connaissais – il y avait une recréation de Walibi Belgique incluse dans le jeu – et je crois que c’est réellement à ce moment-là que j’ai commencé à aimer la création digitale. Mes dessins pouvaient se retrouver là, sur l’écran, vus en 3D. Parfait.

    En parlant de 3D, 2 ans plus tard sort Roller Coaster Tycoon 3, et tout devient plus fluide. Adieu l’isométrique, bienvenue dans les vues intégrées dans les coasters. L’immersion est intense. Je crée des mondes défiant toute logique budgétaire, j’essaie de recréer Disneyland Paris – grâce à des packs de créateur téléchargés, je parviens à recréer l’Hotel Disneyland, Main Street et le Château, et il me semble un peu de Fantasyland, avant de passer à autre chose.

    L’univers épique

    Avance rapide vers le futur. Mes centres d’intérêt ont légèrement bougé, mais arrivent deux choses qui me mettent en joie. D’un côté, l’annonce de la création d’une zone « Harry Potter » dans un Parc d’attraction, à Universal Studio en Floride, et son ouverture en 2010. Je me décroche ainsi de la galaxie Disney pour m’intéresser aux autres créateurs de parc, et force est de constater qu’Universal est clairement dans la course – et avec l’ouverture d’Epic Universe, loin devant !

    L’autre nouvelle réjouissante est la suite – enfin ! – de Roller Coaster Tycoon, intitulée Planet Coaster. Je découvre alors le monde des créateurs qui se filment sur Youtube. Il y en a en particulier qui me ravit par ses créations, son sens du détail et son apparente dextérité sur le jeu : c’est Silvarret. Il continuera d’ailleurs à m’impressionner avec Cities Skylines et Parkitect. En le suivant, lui et d’autres créateurs, je me rends compte que je ne suis pas le seul siphonné et qu’ils vont d’ailleurs bien plus loin que moi dans le réalisme. J’adore.

    Dans la « vraie » vie, je ne suis pas un parconaute acharné : déjà parce qu’il faut de l’argent, un moyen de transport, et du temps. Pour autant, j’ai eu le plaisir de visiter Port Aventura, le Parc Astérix, et plusieurs fois certains parcs de Belgique – Plopsaland et surtout Walibi, dernier parc à mon actif. Evidemment, si je gagnais à l’Euromillions, mon premier achat serait un voyage d’un mois dans les parcs de Floride, mais encore faudrait-il que mon mari me suive dans l’aventure !

  • Il est marrant ce verbe. Si on se penche sur le Larousse, les définitions montrent à la fois qu’il est une action discrète ou tonitruante, qu’il se concentre autant sur l’extérieur (on s’échappe d’une prison) que sur l’intérieur (on s’échappe en soi). Ses synonymes sont autant « jaillir » et « s’évanouir ». S’échapper, c’est presque un oxymore.

    Jusqu’à écrire ces lignes, je n’avais jamais réellement pensé à la puissance symbolique de ce verbe. Irai-je jusqu’à dire que c’est symptomatique de mon système de création : trouver du sens après avoir fait jaillir la forme brute. Á la base, je ne cherchais qu’une agglomération des mots « métro », « château » et « parc d’attraction ». Mé-Châ-Pa. Méchapa. M’échappa ! Ah tiens, ça tombe bien.(1/4)


    Premier attrait : le dessin

    Je ne viens pas d’une famille d’artiste – dans le sens où personne ne partage ouvertement l’art qu’il aurait pu créer. Mais si on gratte un peu sous le vernis, on s’aperçoit que chacun crée à sa manière. Je me souviens de ma mère qui dessinait des timbres sur des enveloppes, toujours la même forme, quand elle recevait un coup de téléphone. Mon père est plus dans la bidouille, à créer des choses de ses mains – d’un vélo couché jusqu’à notre maison.

    Depuis tout petit, j’aime dessiner. En fait, je ne fais que répliquer les formes d’art qui m’impressionnent ou me questionnent le plus. D’un côté, la bande dessinée – j’ai imité, pas peu fier (et avec un certain talent !), les Tuniques Bleues, Léonard, le Scrameustache ou encore Bob et Bobette -, de l’autre, le folklore local.

    Festin et danse, Sorcières et Terreurs

    J’ai passé toute mon enfance à Ellezelles, en Belgique. De manière très schématique, si on trace une ligne droite entre Lille et Bruxelles, on tombe au milieu sur Ellezelles. C’est une commune de près de 6000 habitants, tout au nord du Hainaut, collée à la frontière linguistique avec la Flandre Orientale. Le village est au coeur du « Pays des Collines », donc on est loin du « Plat Pays » de Brel, et est connu pour ses manifestations folkloriques populaires.

    Notamment, tous les derniers samedis de juin, se déroule à Ellezelles le « Sabbat des Sorcières ». Un spectacle son et lumière, avec feu d’artifice à la fin, qui fait la part belle aux sorcières du village (masques, fichus et balais en main) qui viennent parler de leur méfait annuel au Diable (libidineux, rouge et de cuir vêtu). Le spectacle se déroule toujours de la même manière : arrivée des sorcières, discussion sur les méfaits (qui sont toujours en lien avec des actualités locales), festin et danse (sur la musique de Fantasia), puis arrivée des villageois, on attrape une sorcière, elle est jugée et condamnée le plus souvent à mort.

    Les sorcières d’Ellezelles prennent une place considérable dans l’espace local. Il y en a à la Boulangerie, sous forme de petite poupée ou de création sucrée, il y en a en bas relief sur la fontaine du village, il y en a même une, statue accroupie dans une ruelle, qui, si on lui donne 0,50€, vous fait pipi dessus – de l’eau, la plupart du temps, ou la bière locale, quand c’est la fête du village.

    Et quand on est un petit garçon un peu timide et facilement impressionnable, les sorcières, elles ne sont pas nos amies. Elles font peur. Je me souviens de cette sensation de terreur, avant le Sabbat, quand j’étais à la maison et que j’avais peur qu’on vienne m’enlever. Donc, certainement pour exorciser cette peur, je me suis mis à dessiner. Beaucoup dessiner des sorcières. Des sabbats. Des vieilles dames au nez crochu, avec des vêtements en haillon, sur un balai, devant une pleine lune.

    En témoigne ce « pog » que j’avais dessiné pour un concours Disneyland sur Notélé et qui montre une sorcière – même si vu la forme du « chapeau », il s’agit plus de la méchante fée de la Belle au Bois Dormant.

    POG de Benoît qui représente une sorcière - fait à 4 ans pour un concours

    Tu es un Sorcier, Harry

    L’odeur des galettes, le tohu bohu des cousins encore en âge de croire en Saint Nicolas, et nous, les plus grands, déjà un peu désabusés mais quand même heureux de recevoir des cadeaux. Et là, « Tiens, Benoît, Saint Nicolas (wink wink) t’as apporté ça ».

    Des livres ? Quatre livres … Un cartable, aussi. Et une trousse, et aussi un crayon et une gomme. Bon, je vais en faire quoi de tout ça. Il y a un H, un P, un éclair, un blason avec un lion et un serpent et on dirait un blaireau. Je remercie « Saint Nicolas », et ma tante – professeure de français à Bruxelles – m’explique que c’est Harry Potter, une série de livres sur un jeune garçon qui apprend qu’il est sorcier et qui vit des aventures dans une école de magie.

    Voilà mon premier contact avec Harry Potter. Un matin de décembre dans la véranda de ma grand-mère. Je n’ai pas grand chose à faire de ce cartable (parce que j’en ai déjà un) et je n’ai jamais lu d’aussi gros livres … Ma grande soeur, Elodie, semble plus intriguée. C’est d’ailleurs elle qui les lit en premier.

    Puis, un peu comme toute bonne série ou tout bon film, j’ai du mal à rentrer dedans. Je lis les premières pages sur les Dursley, ça ne m’enchante pas. Je crois qu’Elodie me dit que c’est bien et qu’il faut que je persévère. Et Dieu sait que j’ai persévéré.

    Lire Harry Potter, tome 1, 2, 3, 4, attendre la sortie du 5, aller à Auchan, en France, pour avoir le 6, et dégommer les pages du 7 alors que je suis chez ma cousine, à Nanterre. J’ai été emporté par cette vague. J’ai lu, relu et relu encore les aventures du sorcier, ad nauseam, jusqu’à ce qu’on se dise que tout ce qui touche à l’univers Potterien est une valeur sûre comme cadeau pour moi.


    Tu es un Magicien, Stuart

    Je ne sais pas comment j’ai appris qu’il y aurait un film Harry Potter. Mais je l’ai su, et dès que je l’ai su, j’ai été excité par l’idée. J’avais le même âge que le héros, et l’envie certaine de recevoir ma lettre de Poudlard. Avec ma grande soeur, sur le terrain de notre nouvelle maison, on ramassait des branches et on les maniait comme des baguettes – et on se disait que combien ce serait trop cool d’aller au Chemin de Traverse.

    Je ne m’attendais pourtant pas à un tel choc esthétique. Je me souviens avoir été subjugué par la première affiche qui annonçait le film. La silhouette du château m’absorbait complètement, m’obsédait, et comme pour m’échapper à l’intérieur de ces murs, je les dessinais, encore et encore. Je peux d’ailleurs encore aujourd’hui, et sans modèle, vous dessiner un plan « vu de haut » de Poudlard, ainsi que cette silhouette « vue du lac ».

    Affiche d'Harry Potter à l'école des sorciers

    Si je parle de Stuart, c’est évidemment pour mentionner Stuart Craig, le set designer de tous les films Harry Potter. C’est à lui et à ses équipes, ainsi qu’à la Chef Décoratrice Stephenie McMillan, que l’on doit cette avalanche graphique, gothique, dépareillée, cet univers sorcier qui nous parait comme étendu entre Dickens et Downtown Abbey. Mais c’est surtout à lui que l’on doit ce château merveilleux mais tellement réaliste. Dès la première ébauche, peut-être encore trop féodale et romantique, on reconnait là un caractère concret à l’architecture.

    Première esquisse de Poudlard par Stuart Craig

    Tu es un petit peu fou, Louis

    Si je dois 80% de mon amour fou pour les châteaux – et l’architecture ! – à l’univers d’Harry Potter, je dois les 20% à ce qui se trouve au sud de la Bavière, à quelques centaines de mètres de l’Autriche, sur un piton rocheux qui veille jalousement sur son vallon et son lac. Je veux parler évidemment de la folie merveilleuse de Louis II de Bavière, Neuschwanstein.

    Château de Neuschwanstein

    Quand est-ce que j’ai découvert ce château pour la première fois ? Aucune idée. Etais-je déjà à ce point fan des parcs Disneyland que l’histoire de la création du premier parc, à Anaheim, m’a conduit jusqu’aux cols enneigés de la Bavière ? Je ne sais plus.

    Ce que je sais, c’est qu’en termes de choc esthétique – et un peu comme l’aura été le château de Pierrefonds des années plus tard, grâce à la série « Merlin » -, il était certain que ce château existait, était visitable et pourtant représentait l’archétype d’un château de conte de fées. L’élégance de la pierre, de l’ardoise, des tours et des tourelles, le rythme parfait entre pics vers le ciel et ancrage dans la roche – cette construction m’a toujours bouleversée. Et encore plus depuis que j’ai appris son histoire, et le destin de son bâtisseur-rêveur, interné et mort noyé.

    A cause de Poudlard et de Neuschwanstein, les châteaux que je dessine sont toujours concrets, élancés vers le ciel, sur une butte ou accrochés à une montagne. Et ils ont toujours quelque chose de lié à la magie, aux contes ou aux légendes …